22/06/10 - 01H00 - Les Echos - actualisé à 00:35:38
L'Assemblée nationale débat aujourd'hui du principe de précaution. Si certains élus veulent en limiter l'application, la secrétaire d'Etat à l'Ecologie estime, elle, nécessaire la mise en place d'une boîte à outils pour aider les pouvoirs publics.
Attention discussions agitées en perspective ! Aujourd'hui, à l'initiative du comité d'évaluation et de contrôle, présidé par le président de l'Assemblée nationale, Bernard Accoyer, se tiendra un débat sur la mise en oeuvre du principe de précaution. Le gouvernement y sera représenté par le ministre de l'Ecologie et du Développement durable, Jean-Louis Borloo, et par la ministre de la Recherche, Valérie Pécresse.
Inscrit à l'article 5 de la Charte de l'environnement, le principe de précaution est devenu depuis quelques mois l'enjeu d'un bras de fer entre ceux qui veulent en redéfinir les règles, jugeant qu'il a trop souvent été utilisé pour bloquer toute initiative, et ceux qui considèrent qu'il faut le défendre. Il y a un mois, 22 députés ont déposé une proposition de loi de création d'une commission d'enquête mettant en avant « le risque qui peut peser sur le progrès technique ». Face à eux, la députée européenne Corinne Lepage a aussitôt lancé une pétition intitulée : « Nous avons besoin du principe de précaution. » Pendant qu'Eric Loiselet, élu d'Europe-Ecologie en Champagne Ardennes, créait le réseau « Touche pas à mon principe de précaution ». Et que le chercheur Olivier Godard proposait que le public puisse saisir le gouvernement de questions relevant du principe de précaution.
Au gouvernement, on plaide l'apaisement. Hier, à l'occasion de la publication du rapport du Comité de la prévention et de la précaution présidé par le chercheur Alain Grimfeld, Chantal Jouanno, secrétaire d'Etat à l'Ecologie, a estimé qu'il est nécessaire de mettre en place une « boîte à outils » afin de mieux mettre en oeuvre le principe de précaution et ainsi sortir du « flou » actuel. « Nous ne voulons pas revenir sur le fondement de ce principe inscrit dans la Constitution. Ce serait la plus grosse erreur qu'on commettrait à l'égard de nos enfants. Mais il faut clarifier les conditions dans lesquelles on recourt à ce principe », a-t-elle ajouté, s'appuyant sur les travaux du comité, qui recommande de désigner des instances d'expertise et un « pilote » chargé de conduire le processus.
Vers une haute autorité ?
Ce document d'une cinquantaine de pages affirme que les parties prenantes doivent être impliquées dans le processus de décision et propose un schéma permettant de faire la différence entre un régime de prévention si le risque est avéré scientifiquement (volcan islandais, vaccin H1N1) et un régime de précaution s'il existe une ambiguïté scientifique forte face à un risque (usage des téléphones portables par les enfants). Les modalités du principe de précaution doivent enfin être « clarifiées en tenant compte des coûts économiques et sociaux », ajoute le comité, regrettant qu'il n'existe pas d'entité chargée d'éclairer le décideur public.
A l'Assemblée, le rapport d'Alain Gest et Philippe Tourtelier considère que l'article de la Constitution sur le principe de précaution concerne l'environnement, alors que c'est dans le domaine des impacts sanitaires (liés par exemple aux biotechnologies ou aux nanotechnologies) qu'il a été évoqué. Il évoque la création d'une haute autorité et envisage même une garantie assurantielle pour les entreprises travaillant dans le domaine des risques émergents.
JULIE CHAUVEAU, Les Echos
Principe de prévention. Défini par la loi Barnier de 1995, il implique la mise en oeuvre de règles et d'actions pour anticiper toute atteinte à l'environnement en cas de risques avérés.