Alors que l'application du principe de précaution tend à s'imposer, l'enfouissement apparaît de plus en plus pertinent.
Le calendrier que doit respecter RTE pour réaliser la ligne à très haute tension (THT) de 400 000 volts 'Cotentin-Maine”, dont il est le maître d'ouvrage, est
très strict. Il dépend directement de la date d'entrée en fonctionnement du futur réacteur nucléaire EPR de Flamanville.
Concrètement, la filiale d'EDF a pour objectif de construire la ligne au cours des années 2010 et 2011, de façon que sa mise en service intervienne à la fin de cette dernière année. Mais, alors
que les travaux de l'EPR vont bon train, avec un achèvement prévu en 2012, les responsables de ce chantier redoutent un retard du côté de la ligne THT.
Lever les incertitudes
Ces craintes ne sont pas sans fondement au vu de l'actualité récente sur les possibles effets sur la santé des hommes et des
animaux des champs électromagnétiques et des courants vagabonds générés par les lignes THT. Les controverses scientifiques ne sont pas près de s'éteindre faute de résultats qui permettent de
lever toutes les incertitudes. Les normes actuelles sur la distance à respecter entre une habitation et une ligne THT sont-elles suffisantes ? Y a-t-il un lien de cause à effet réel entre
les troubles constatés chez les hommes et les animaux vivant à proximité d'une ligne THT, et la présence de celle-ci ?
La ministre est pour la prudence
La prudence est de mise au vu des premières tendances de l'enquête menée par le Criirem (Centre de recherche et d'information indépendant sur les rayonnements électromagnétiques) et la
coordination interrégionale 'Stop-THT” auprès des personnes habitant ou travaillant dans une zone de 300 mètres de chaque côté de la ligne THT actuelle (La Manche Libre du 15 mars 2008).
Quant aux animaux d'élevage, l'étude menée à AgroParisTech se poursuivra jusqu'en 2009... année au cours de laquelle pourrait être signée la déclaration d'utilité publique du projet
'Cotentin-Maine”. Dans ces conditions, l'application du principe de précaution s'impose plus que jamais. Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'Etat à l'écologie, ne disait d'ailleurs rien
d'autre le 21 mars dernier : pour elle les champs électromagnétiques dus aux lignes THT posent un certain nombre de problèmes. Ce qui nécessite de faire plus de recherche sur ce sujet.
Plus nuancée, Roselyne Bachelot, ministre de la Santé, estimait le 2 avril, qu'il fallait 'poursuivre les études” avec création d'une mission parlementaire à la clé, de façon à rassurer les
gens.
Dans la Manche, une quinzaine de communes, dont Chèvreville et Villechien dans le sud, ont pris ou vont prendre des arrêtés interdisant toute construction d'une ligne THT à moins de 500 mètres
d'une habitation.
La conclusion ? RTE peut décider de respecter coûte que coûte le calendrier du projet quitte à passer en force, mais alors il accepte de prendre un risque sanitaire lourd de conséquences.
D'autant que sur le terrain la résistance pourrait être vive, avec l'utilisation de moyens juridiques pour retarder l'installation des pylônes.
L'autre possibilité est d'appliquer le principe de précaution et d'accepter de supporter le coût d'un retard dans le calendrier initial des opérations. Mais il n'est pas sûr que RTE puisse ou
veuille opter pour ce dernier choix.
Comment alors éviter un tel dilemme ? En recourant à l'enfouissement, techniquement possible et dont le surcoût par rapport à une ligne aérienne diminue au fil du temps, pourrait être
moins important qu'on ne le pense.
Quant aux délais, les industriels du câble ont précisé lors du débat public que 'la durée de réalisation du projet est compatible avec la capacité industrielle actuelle.” Avant tout, cette technique ne présente pas de risque pour la santé. Et elle permet de ne pas balafrer les paysages de la région qui représentent un précieux capital
touristique.
Fabrice Constensoux
■ Une nouvelle étape dans le calendrier
Le fuseau de 'moindre
impact” (1 000 mètres de large) validé par le gouvernement, RTE entreprend maintenant de définir le 'tracé de principe” de la ligne, c'est à dire une bande de 200 mètres de large, et d'élaborer
l'étude d'impact qui sera soumise à enquête publique à partir de la rentrée prochaine.
■ Communes contre préfecture
Dans la Manche, les communes
qui veulent protéger leurs habitants en interdisant les constructions à moins de 500 mètres d'une ligne THT voient leur arrêtés contestés par la préfecture. La Grande-Bretagne et l'Allemagne se
dotent actuellement de telles législations protectrices...
■ Scandale de santé
publique
Directeur scientifique du Criirem, le docteur Pierre Le Ruz qualifie les impacts sanitaires des lignes THT de 'scandale de santé publique méconnu”, tandis que pour RTE l'état
des connaissances médicales à ce sujet ne justifie pas que des mesures ou des précautions supplémentaires soient prises.
■ Guérilla juridique
Face à la politique du rouleau compresseur
adoptée par RTE pour faire avancer le projet de ligne à très haute tension, les collectifs anti-THT de la Manche, de l'Ille et Vilaine et de la Mayenne entendent freiner le plus possible
l'action de la filiale d'EDF sur le terrain avec des armes juridiques.