Article par Yannis Youlountas
PUBLIÉ LE JEUDI 25 OCTOBRE 2012, 00:00 - MODIFIÉ LE 25/10/12 - DÉMOCRATIE RÉELLE - LIEN PERMANENT
De plus en plus de maires, pour la plupart UMP, interdisent les tracts et pétitions sur les marchés. Ce phénomène s’est accru cette année, à la suite d’une décision étonnante du Conseil d’État
considérant que ce genre d’arrêté « ne porte pas atteinte aux libertés d’expression et de communication » [1]. Depuis le début de l’automne, on ne compte plus les maires qui
s’engouffrent dans la brèche au grand dam des associations, syndicats ou partis d’opposition. Dès lors, quand faire signer des pétitions ou diffuser un tract appelant à manifester, si ce n’est
quand on peut croiser un peu de monde sur la place publique ? Quand inviter à participer à un débat ou proposer un petit journal contredisant les orientations du premier magistrat de la
ville dans son clinquant magazine municipal ? Au carrefour désert de la zone industrielle, à côté du panneau d’entrée de la ville ? Sur le parking du supermarché voisin, entre deux rondes de
vigiles ?
« Avant l’avènement des médias, le marché était le lieu
où l’on venait aux nouvelles, où l’on échangeait les informations,
où l’on confrontait les points de vue. »
De tout temps, le débat public s’est tenu là où les citoyens avaient l’occasion de se rencontrer. En premier lieu : au marché, moment d’échange qui ne se réduisait pas à la seule
consommation. Avant l’avènement des médias, le marché était le lieu où l’on venait aux nouvelles, où l’on échangeait les informations, où l’on confrontait les points de vue. L’agora signifie
d’ailleurs, encore aujourd’hui, à la fois le lieu de débat et le cœur du marché. Si Socrate avait choisi d’écrire, aurait-il pu tracter sur l’agora athénienne ? Se serait-il heurté à un
brave notable lui interdisant de le faire ? « Vous comprenez, mon bon monsieur, nous sommes ici dans un espace commun, tranquille et paisible, où l’opinion de chacun ne doit pas heurter
celle d’autrui ni gêner d’aucune manière le sacro-saint commerce ». Gageons que ce notable aurait également éloigné Diogène au moyen d’un arrêté anti-mendicité ! Nos maires auraient-ils
oublié qu’ils ne sont en rien mandatés pour imposer ce qui doit se dire, où, quand et comment ? Il n’y a que quatre règles qui s’appliquent à un tract ou à une pétition : ne pas
diffamer, ne pas troubler « l’ordre public », être signé (auteur et imprimeur) et ne pas être jeté sur la voie publique. C’est pourquoi, ce que le Conseil d’État a légitimé n’est rien
d’autre qu’un abus de pouvoir de quelques maires qui, sans une rapide remise en question, deviendront bientôt des dizaines et des centaines à travers la France. La démocratie, quand bien même
représentative, ne peut se déléguer au point de confisquer le « pouvoir du peuple » d’échanger des opinions et des documents là où il se rencontre librement dans l’espace public.
« Faudra-t-il se résoudre à ne plus se rendre sur l’agora
que pour y consommer ? »
Après les maires UMP de Valenciennes, Nogent-sur-Marne, Colmar, Léguevin, Saint-Cyr-l’École, Orléans et Vic-sur-Aisne, Alain Chatillon, sénateur-maire UMP de Revel,
vient de franchir le pas, lui aussi, tout en se réclamant de l’amour de la démocratie et de la culture humaniste. A-t-il bien lu Voltaire et sa défense de l’opinion d’autrui ? Dans cette
petite ville de la Haute-Garonne, l’ensemble de l’opposition a cosigné un appel au maintien de cet usage traditionnel de l’expression démocratique, soutenu par une intervention de la Ligue des
Droits de l’Homme. Faudra-t-il se résoudre à ne plus se rendre sur l’agora que pour y consommer ? Irons-nous jusqu’à interdire tout signe visuel d’opinion politique [2] et, pourquoi pas, toute parole
déplacée dans une conversation avec le tripier ou la fromagère ? Comme il fera bon, dès lors, savourer le bonheur d’être tous d’accord avec Monsieur le Maire, plus que jamais officier
vigilant de la police municipale.
Yannis Youlountas, Libération, 25 octobre 2012, en page Rebonds (texte intégral)
Sur le même sujet : MENACE SUR L'AGORA (pétition)
Notes :
[1] Req. n°358495 du 17 avril 2012.
[2] écharpe rouge, chapeau
mitterrandien, pull-over fleuri ou tee-shirt « ni dieu ni maître » (signes ostentatoires de prosélytisme sur la voie publique).
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Vous pouvez aussi nous envoyez votre signature ou vos listes de signataires par courriel pour que nous les enregistrions, par exemple d'après la récolte d'une pétition papier (prénom NOM
qualité et/ou lieu). Merci à toutes celles et ceux qui font signer sur leur lieu de travail, dans leurs associations, organisations... et, bien sûr, sur les marchés !
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Revel est une petite ville de Haute-Garonne et son marché a lieu tous les samedis matins.
La commission paritaire du Marché de Revel est composée à 50% d’élus (6 dont 5 de la majorité de droite et 1 seul de l’opposition, en l’occurrence socialiste) et 50% de commerçants (6,
manifestement proches de la majorité de droite).
En novembre 2011, la commission préparait déjà le terrain pour une modification du règlement du marché, avec des prétextes complètement fallacieux et injustes.
Un peu moins d’un an plus tard, il y a quelques jours, le règlement du marché a donc été modifié en interdisant totalement la distribution de tracts et de tous documents : journaux gratuits,
pétitions, et même tracts pour des lotos ou des cours de guitares ! Parmi les élus, seule la représentante de l’opposition a voté contre. Il est à relever que, comme dans d’autres villes de
France, les représentants des commerçants se sont permis, sans la moindre gêne, de priver brutalement leurs consommateurs-citoyens engagés dans la vie associative, syndicale ou politique, de
toute expression et diffusion d’informations le seul jour efficace et donc essentiel. Commerce contre citoyenneté ? Réduction forcée des citoyens à des consommateurs au coeur de l’espace
public ? N’est-ce pas le signe inquitétant d’une époque vouée à la marchandisation totale de l’humain et de son environnement ?
Depuis quelques jours, dans l’article 13 du règlement du Marché de Revel, il est précisé désormais :
“Il est interdit sur le marché :
de distribuer de la publicité commerciale ou des tracts et imprimés de toute nature à l’intérieur du périmètre du marché et le long des voies piétonnes comme défini sur le plan joint en annexe.”
Ne reste plus que l’arrêté imminent du Maire qui l’a déjà annoncé lors du Conseil municipal du premier octobre dernier. Alors, doit-on se laisser faire, et continuer à laisser grignoter toutes
nos libertés, ou doit-on réagir et comment ? Qu’en pensez-vous ?
Parmi d’autres organisations, sachez que la Ligue des Droits de l’Homme a pris position contre cet abus de pouvoir et a écrit plusieurs fois au Maire, mais celui-ci n’a rien voulu entendre !
En tout cas, merci à tous de votre soutien qui fait chaud au coeur à Revel comme ailleurs, puisque nous sommes de plus en plus nombreux à subir cela en France ! Et bravo pour cette pétition
nationale qui défend nos libertés fondamentales et dénonce une lente déchéance de la citoyenneté ! Nous ne nous laisserons pas faire !
Source de l'article : http://www.netoyens.info/index.php/contrib/26/10/2012/ces-maires-qui-veulent-faire-taire-lagora
Commentaire :
Une question tout de même auquel je n'ai pas encore de réponse : comment va faire Monsieur le MAIRE aux prochaines élections pour distribuer ces propres tracts,
ira-t-il sur le marché enfreindre sa propre loi ?